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18/02/2014
Pandemonium
Operadyse
 
Le metal symphonique est devenu en quelques années une sorte de porte-parole destiné à démontrer à la masse populaire bien pensante (mais endormie) que notre style de musique préféré n’est pas un appel dédié à la gloire de Satan ou au massacre de l’ensemble des brebis chrétiennes naïves, mais qu’il s’agit d’un genre musical à part entière au même titre que le jazz, la samba ou le reggae, et dont les sujets peuvent être divers et variés, comme l’histoire, la crise économique mondiale, les relations intimes entre adultes consentants (j’englobe toutes les combinaisons possibles, bien évidemment), les mythologies grecque ou romaine ou, plus sobrement, la littérature sous toutes ses formes (poèmes, romans d’aventures, science-fiction,…), bien que le monde des dragons hargneux et avides de trésors et des fées geignardes en tutus blancs avec des petits cœurs roses chevauchant des licornes bleues fait encore l’unanimité au sein du mouvement power metal…Du coup, nous sommes bien obligés parfois de nous poser certaines questions telles que celles-ci : mais comment se fait-il que de grands garçons et de grandes filles ayant dépassé depuis 10 ans l’âge de jouer aux Pokémon s’intéressent-ils toujours aux preux chevaliers culottés (euh, oui, il faut le prendre au sens propre comme au figuré), aux gentes demoiselles en détresse, aux elfes et à leur fanatisme anti-nains, aux orcs et trolls hideux avec plein de boutons partout et leurs dents noirâtres ou jaunâtres de guingois et aux batailles dignes des jeux que l’on peut trouver dans une cour d’école pendant la récréation ? Et pourquoi, diantre, n’y a-t-il pas de poster du Seigneur des Anneaux et du Hobbit sur mon mur devant mon PC ??? Il faut que je remédie à ce problème…Hum hum, pardon pour ce petit interlude qui fait office d’aveu de ma « passion » pour les épopées fantastiques et héroïques héritées d’une époque médiévale bien lointaine maintenant et aux nobles valeurs aujourd’hui complètement dépassées.

Heureusement, certains musiciens et musiciennes n’ont pas hésité à affirmer haut et fort leur amour de la fantasy, contrairement à moi, et à le transposer en musique. Du coup, de nombreux groupes plus ou moins talentueux ou indispensables se sont formés depuis deux ou trois décennies pour nous transmettre cet intérêt quelque peu imaginatif pour nous conter les grandes batailles à la façon de celles qui ont eu lieu sur les Terres du Milieu, endroit originellement imaginé par le romancier de génie que fût J.R.R. Tolkkien. Je peux vous citer, entre autres, BLIND GUARDIAN, EPHEL DUATH, ANARION, FANGORN, GORGOROTH, MORGOTH, LUCA TURILLI, AVANTASIA ou RHAPSODY OF FIRE…Désormais, vous pourrez aussi compter sur les montpelliérains d’ OPERADYSE qui viennent de sortir leur premier opus intitulé Pandemonium.

Avant de rentrer dans les détails de l’ album, je me dois de vous faire un petit historique pour vous présenter les cinq membres du groupe héraultais, qui voit véritablement le jour en 2006 grâce au guitariste Damien MARCO. Ce dernier aura réuni un premier line-up qui comprendra, entre autres, Bastien SABLÉ aux claviers et Jennifer LASSALLE au micro. C’est avec l’arrivée de la section rythmique composée d’ Emmanuel COLOMBIER derrière les fûts et de Stéphane LAMBERT à la basse que le groupe trouvera une première mouture stable. Malheureusement, après un premier EP (Hope Era Dies), enregistré en 2009, et quelques concerts, Jennifer sera forcée de quitter son poste pour des raisons d’ordre personnel. Néanmoins, le quartet restant ne tardera pas à retrouver sa voix en la personne de Frank GARCIA, également chanteur de SPHERIC UNIVERSE EXPERIENCE, avec qui il va graver ce Pandemonium dans le fameux studio nantais Drudenhaus fin 2012.

Possédant un son particulièrement puissant et clair pour un groupe français débutant, ce Pandemonium est une excellente surprise, ceci à plusieurs niveaux. Tout d’abord, il est assez rare qu’un groupe gaulois s’attaque à un style aussi complexe. D’habitude, nos compatriotes musiciens évoluent plutôt dans des registres brutaux tels que le death, le black, le thrash ou le hardcore, vu leur nombre…Exceptions faites, je vous l’accorde, des groupes HEAVENLY, FAIRYLAND ou, dans une certaine mesure, ADAGIO, par exemple, avec ses touches néoclassiques du plus bel effet. Néanmoins, OPERADYSE peut se targuer d’avoir réussi à émerger en jouant une musique plutôt « boudée » dans le pays de Molière et surtout en étant issu d’une région peu représentée dans le metal. Ce qui n’est pas rien, bien au contraire ! Deuxième chose, la qualité du power metal mélodique des languedociens. Dans le genre, pour ne pas risquer d’être un clone musical des groupes déjà bien installés, il vaut mieux avoir de très bonnes idées et savoir comment les imbriquer les unes avec les autres pour éviter la « redite ». Et OPERADYSE a su éviter les erreurs avec brio. Toutes les chansons sont bonnes. Aucune compo n’est à mettre de côté. Il y a un équilibre parfait entre chaque titre. Ce qui n’est pas très commun en soi sur l’ album d’un groupe français, sauf ceux de MANIGANCE, de FAIRYLAND, HEAVENLY ou encore, côté bruts de décoffrage, LOUDBLAST, MASS HYSTERIA, ZUUL FX ou, dernièrement, ISHTAR et BENIGHTED. Cependant, les meilleurs morceaux sont au nombre de quatre, en tout : Celestial Sword, Keeper Of The Flame, Fairies Secret Garden et son duel vocaux masculins-vocaux féminins et l’éponyme Pandemonium, épique à souhait. Bien entendu, les autres pistes de ce premier album ne sont pas mauvais, un cran en dessous certes, mais ne méritent pas d’être écartés pour autant, Arkanya et The Path en tête, sur lesquels Jennifer vient pousser la chansonnette aux côtés de Frank.

Ce panel démonstratif du grand talent de nos compatriotes languedociens n’échappe, malheureusement, pas aux comparaisons et l’on peut ressentir tout au long de cet opus, et des 10 titres qui le composent, les influences explicites du groupe, SONATA ARCTICA, STRATOVARIUS et RHAPSODY OF FIRE en tête, comme sur Celestial Sword qui rappelle énormément ce qu’a pu écrire Timo TOLKKI par le passé et aussi Unfold Legend qui regorge de clins d’œil au combo de Tony KAKKO et Henrik KLINGENBERG…Le reste est fortement inspiré de la formation italienne d’ Alex STAROPOLI et, dans une certaine mesure, de DARK MOOR pour les structures mélodiques et aussi certaines lignes de chant de Frank, dont le timbre se rapproche parfois de celui d’ Alfred ROMERO, tirant aussi sur celui d’ Elisa C. MARTIN

Cela dit, même si les influences musicales du groupe sont flagrantes, ce Pandemonium est un premier essai largement transformé, un petit bijou que tout fan de power metal mélodique se doit de posséder dans sa discothèque. Les montpelliérains ont sûrement dû regarder dans un vieux grimoire poussiéreux ou dû torturer Gandalf pendant des heures à coup de Kylie MINOGUE ou de Katy PERRY pour obtenir la recette du succès, car oui, je l’affirme haut et fort, et je précise qu’aucun orc hideux ou nain hargneux ne m’y a forcée, que ce debut-album est une pure réussite, même si l’ensemble manque un peu de personnalité et d’originalité, mon minuscule reproche concernant Pandemonium. Mais, ce genre de témoignage discographique est rare et il est nécessaire de reconnaître la qualité d’un album tel que celui-ci et de soutenir ceux qui en sont les auteurs. Ce que je vous invite à faire en vous mettant à la recherche de cette première galette et en vous rendant aux représentations scéniques de ces cinq troubadours. Cependant, le quintet doit gagner en expérience et exacerber sa propre identité s’il veut pouvoir gagner les cœurs d’une plus large fan-base et être reconnu comme l’un des groupes émergents à suivre dans un proche avenir. Peut-être y arrivera-t-il en tabassant des trolls à coups de baguettes magiques ou en transformant des hobbits en paquets de lembas au chocolat ? Tous les moyens sont bons pour y parvenir, y compris de voler les sous-vêtements d’Arwen…Mais, une chose est plus sûre que toutes les autres, c’est que les héraultais doivent se montrer plus aventureux musicalement, en abandonnant leurs influences derrière eux, sans, toutefois, les larguer aux oubliettes. Ce n’est que de cette manière qu’ils pourront, enfin, atteindre leur but et faire connaître leur musique par-delà les frontières du Gondor, du Mordor et du royaume de France. Cela dit, sachez que Pandemonium est bien meilleur que le mou du genou et pratiquement loupé Dark Wing Of Steel de RHAPSODY OF FIRE. Donc, la dépense dans le premier opus des languedociens est largement justifiée. Une future étoile du metal francophone est née !
神の知恵
Date de publication : mardi 18 février 2014