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22/03/2016
Change
UNIVERSE 217
 
Quelle énorme et magnifique surprise que ce quatrième album des Grecs de UNIVERSE 217 ! J'avoue très humblement être passé complètement à côté de cette formation et de ses trois albums précédents (Universe 217 en 2007, Familiar Places en 2011, Never en 2013) ; Change m'a donc complètement pris par surprise. Il s'agit de l'album de Doom Metal le plus surprenant, le plus original, le plus troublant de ces dernières années, ni plus ni moins. La qualité très particulière de cet opus réside certainement dans le fait que le groupe ne reprend à son compte des éléments fondamentaux du Doom Metal que pour mieux les intégrer à un univers qui excommunie la simple et stérile récitation de la doxa de ce genre. Un peu comme si le Doom se trouvait exprimé au travers d'un filtre plus Rock...

Quoi qu'il en soit, le Doom dans son versant lyrique implique de la lourdeur dans la rythmique, de la puissance dans les riffs, de l'ampleur dans le chant, de la majesté et du drame dans les ambiances. En disciple qui a sûrement écouté et intégré l'héritage immense de CANDLEMASS, UNIVERSE 217 propose tous ces ingrédients, avec une maîtrise et une efficacité qui laissent pantois. Une basse au son tendu et aux lignes titanesques. Une batterie qui marque le tempo sèchement, avec un son très plein, et qui prend soin de broder intelligemment autour de ce tempo austère. Une guitare qui alterne des riffs herculéens et des arpèges mélodiques, mélancoliques, d'une grande finesse. Des arrangements de claviers discrets mais essentiels à l'enrichissement du spectre sonore.
Et surtout, il y a le chant de Tania. Avec son registre médium au timbre un peu rauque (assez similaire à celui de Jennie Ann SMITH de AVATARIUM), elle déploie un savoir-faire mélodique envoûtant, combiné à une expressivité saisissante et à une puissance proprement bluffante. Ses capacités exceptionnelles sont à ce point maîtrisées et sollicitées avec tact et à propos qu'elle peut se permettre de frôler le point de rupture par des rugissements charriant une douleur et une colère existentielles. Tania semble vivre intensément ce qu'elle chante.

La qualité des interprètes s'impose ostensiblement mais elle est avant tout au service de compositions incroyablement fortes, superbement arrangées et produites. Le jeu somme toute classique du contraste entre passages mélodiques et moments plus rudes s'inscrit ici dans une architecture globale plus directe, moins lourdement Metal que dans les productions classiques. UNIVERSE 217 incorpore de manière très personnelle la théâtralité trouble du Rock gothique et la versatilité vénéneuse d'un SOUNDGARDEN.
La plupart des morceaux condensent toute cette richesse dans des durées plutôt ramassées, ce qui n'empêche en rien une composition de comporter une progression au fil de séquences redoutablement agencées. Pourtant, l'album se clôt sur un monumental (douze minutes) Change, véritable procession funéraire, riche en ambiances éthérées alternant avec des rythmiques granitiques. En fait, si le DEAD CAN DANCE des débuts avait décidé de pratiquer du Doom, cela aurait sûrement donné ce résultat.

Sur Change, UNIVERSE 217 propose un style très personnel, néanmoins accessible à de nombreux amateurs éclairés (fans de Doom lyrique, de Metal gothique, de Funeral Doom, de Doom rétro...), avec une maîtrise presque idéale de la composition, de la mise en son et de l'expression. Cela ressemble à un chef d’œuvre ou je m'y trompe...

Si vous trouvez que j'exagère dans les lignes ci-dessus, écoutez le titre Here Comes : cliquez ici
Alain
Date de publication : mardi 22 mars 2016