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09/12/2016
Electricon
ARRAKIS
 
Quiconque a lu Dune de Frank HERBERT sait que la planète Arrakis est recouverte par un désert impitoyable, sillonné par des vers géants qui protègent une substance essentielle au voyage dans le temps, l'épice. En adoptant ce patronyme, les trois Grecs originaires de Thessalonique étaient comme sous influence, tant leur musique correspond à la rapide description faite ci-avant. Plaçons le contexte.

Notre ARRAKIS hellène (à ne pas confondre avec une formation homonyme américaine) évolue donc dans la configuration du trio, périlleuse s'il en est. Le risque est en effet grand de ne pas occuper suffisamment l'espace, de paraître maigrelet ou étriqué. D'autant plus que le groupe ne peut pas compter sur le chant pour occuper une partie du spectre sonore puisque le répertoire proposé ici est intégralement instrumental. Avouez que le challenge devient intéressant !

En fait, ARRAKIS se distingue tout particulièrement par l'intensité de sa musique et par sa capacité à sonner de manière gigantesque. Comment ? Il faut en premier lieu évoquer la section rythmique. La basse développe un son imposant, à la fois grondant et claquant, et un jeu assez mobile, tenant un rôle de lead. Du côté de la batterie, le son de caisse claire est certes sec comme un coup de trique mais ceci est intelligemment condensé par un recours intense aux toms et aux cymbales. Les deux compères possèdent cette capacité déroutante à couler des chapes de béton qui ondulent pesamment : ou comment concilier le groove et la lourdeur.

Là-dessus, la guitare assène des riffs gras, épineux au toucher. A ce stade, nous avons tous les ingrédients d'un Stoner Metal particulièrement trapu et animal. L'intense activité solo de la guitare confirme ce marqueur identitaire, tout autant qu'il le dépasse et l'enrichit. Car il ne faut pas imaginer des solos classiques à la mode Heavy Metal mais bien une manière de gambader par-dessus les rythmiques, dans un bel esprit psychédélique : par quelques moments relativement sereins, vous tombez sur une abondance de saturations, de déchirements, de zébrures qui tordent et troublent l'espace sonore. Les pédales d'effets sont copieusement mises à contribution, avec une maîtrise qui n'a d'égal que l'appétit orgiaque de trituration électrique que cela dénote.

Comme le format de la plupart des compositions se situe entre sept et onze minutes (seul Loot ne dépasse les cinq minutes), vous tirez de cette alchimie un sentiment de gambade énergique, défoncée, profondément dynamique, de fougue libérée. Je ne prétends pas qu'ARRAKIS invente un nouvel univers mais j'affirme que le trio irrigue une austérité rythmique et sonore par des ornementations psychédéliques créatrices d'espaces sonores fantastiques. En somme, c'est l'ensemble de l'album qu'il faut appréhender, comme un tout indissociable dans lequel on accepte de de fondre, de se laisser porter.

Ecoutez l'album avec les yeux : cliquez ici
Alain
Date de publication : vendredi 9 décembre 2016