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15/05/2017
One with the universe
SAMSARA BLUES EXPERIMENT
 
A partir du milieu des années 60, la musique populaire connut une effervescence sans commune mesure, une explosion de créativité et des évolutions stylistiques foudroyantes. Le purisme du Blues se trouva transcendé par l'énergie vitale du Rock'n'Roll originel et, bientôt, le Blues Rock gagna en agressivité, en virtuosité, en électricité. Pour aboutir finalement au Hard Rock, puis au Heavy Metal. Mais avant l'avènement du Hard souverain, le Rock se para de couleurs étranges, animées par des ondulations fascinantes et rayonna en plein psychédélisme. Quitte à adjoindre des pans entiers des musiques Folk, avec de fortes influences des musiques orientales, notamment indiennes.

Pourquoi ce rappel historique de la part du grand ancêtre, vous demanderez-vous ? Tout simplement parce que le trio allemand SAMSARA BLUES EXPERIMENT n'est autre qu'un lointain mais fort brillant dépositaire de ce bouillonnement électrique qui s'étala du mitan des 60's au milieu de la décennie suivante. Poursuivons par un petit exercice de calcul basique : One With The Universe comprend cinq compositions, pour une durée totale de 47 minutes. Les gabarits promettent d'être conséquents. Mis à part Glorious Daze de six minutes, Eastern Sun & Western Moon et Sad Guru Returns dépassent les sept minutes, Vipassana franchissant le col des dix minutes et l'imposant titre éponyme atteint le quart d'heure. C'est bel et bien la liberté d'expression et de déambulation musicale qui anima la période évoquée ci-dessus qui a été reprise à son compte par le trio. Et je peux vous garantir que le groupe se plaît à arpenter ces larges espaces, dénotant un plaisir de jouer palpable et une capacité réelle à jouer sur les contrastes.

Comme tous les power trios des grandes heures (l'EXPERIENCE et le BAND OF GYPSYS de Jimi HENDRIX, CREAM, le MOUNTAIN et le BLUE CHEER des débuts), SAMSARA BLUES EXPERIMENT compense le faible nombre de musiciens par un jeu intense, quoique jamais monolithique. Ainsi, le batteur Thomas VEDDER se montre capable d'une sèche sobriété mais se plaît à déployer un jeu de cymbales et de brefs roulements, hachés par des contretemps, pour un résultat toujours palpitant. A l'opposé du spectre, le bassiste Hans EISELT développe un son énorme, grave, presque sourd, souvent animé par l'usage de pédales d'effets ; les lignes demeurent cependant agiles et dynamiques.
Sur une telle assise rythmique, le guitariste Christian PETERS brille de mille feux : riffs telluriques (dignes du meilleur Stoner), des arpèges paisibles, des arabesques mélodiques entêtantes, des sonorités acides, c'est un véritable festival ! Il semblerait que notre homme ait synthétisé à merveille le meilleur de HENDRIX, Eric CLAPTON, Peter GREEN (FLEETWOOD MAC initial), Jorma KAUKONEN (JEFFERSON AIRPLANE et HOT TUNA), Frank MARINO ou encore le très mésestimé Steve HILLAGE (GONG et en solo).
L'adjonction d'arrangements de claviers vintage et de sitar renforce évidemment l'aura psychédélique et orientale de nombreuses séquences, avec parfois un cousinage avec le Space Rock. Des extraits parlés créent en outre un effet de confusion et d'étrangeté tout à fait adéquats.

Dans un tel foisonnement instrumental, le chant pourrait sembler plus accessoire et d'ailleurs bénéficie au total d'une exposition relativement restreinte. Il s'avère cependant solide, qu'il se fasse plutôt posé et clair ou qu'il se teinte de sonorités plus impérieuses, voire colériques. Dans tous les cas de figure, les vocaux renforcent les ambiances, qu'elles soient éthérés ou puissantes, parfois éruptives.

Avec ce quatrième album, SAMSARA BLUES EXPERIMENT ne fait pas mentir le titre retenu et gagne une stature proprement colossale.
Alain
Date de publication : lundi 15 mai 2017