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16/04/2020
Under the shadow of a witch
SHADOW WITCH
 
En 2016, nous avions chanté les louanges de Sun Killer (cliquez ici), premier opus de ce groupe américain ; en 2017, nous avions réitéré notre jugement positif pour le second album, Disciples Of The Crow (cliquez ici). Under The Shadow Of A Witch permet au quartette d'atteindre une dimension encore supérieure, celle de la maturité.

Ce n’est certes pas insulter les quatre membres que d’affirmer qu’ils relèvent davantage du statut de vétérans que de jeunes premiers. Sûrement cette longévité dans la sphère musicale leur a-t-elle permis de rencontrer, d’absorber et d’assimiler quantité de tendances, afin de les mettre au service de leur actuel projet. L’épaisseur des rythmiques prodiguées par David PANNULLO (basse) et Doug BEANS (batterie) n’obère en rien une mobilité qui se traduit par une capacité jamais prise en défaut à varier les tempos et les rythmes, tout en assurant un groove massif dans les espaces les plus intenses, plus subtil lors des plages pondérées. Le guitariste Jeremy HALL débite des riffs charbonneux et orageux, mais très nettement assénés, ponctuant cet abattage rythmique de solos bluesy et incandescents.

De cette combinaison de lourdeur, d'épaisseur et de souplesse paradoxale, on peut en déduire des influences de BLACK SABBATH et du Heavy Metal des années 70, qui induisent le cousinage avec le Grunge (on songe notamment à SOUNDGARDEN) ou du Stoner, deux genres qui n'hésitèrent pas à réinterpréter les préceptes du légendaire combo britannique.

Cela dit, il n'y a rien d'exclusif dans ces citations d'influences, tant les amateurs du Sludge le moins extrême (amis de CORROSION OF CONFORMITY, par exemple) sont les bienvenus, il n'y a qu'à aller directement à la fin du long Fountain pour sentir la ruralité du bayou. De même, la combinaison de complexité et d'intensité dans le schéma rythmique peut attirer les fans de MASTODON.
Par ailleurs, cette tension rythmique confinée dans des compositions concises (entre trois et cinq minutes, si l'on excepte les huit minutes de Fountain), additionnée de temps à autres de certaines dissonances, m'évoque le Post Hardcore du ROLLINS BAND originel.

Reste à évoquer la dernière pierre de l'édifice, à savoir le chant de Earl Walker LUNDY qui, lui aussi, transcende les genres puisque son timbre medium peut irradier d'une colère palpable, tout autant qu'il peut se faire nuancé ou chaleureux. Sans avoir recours à des effets démonstratifs si typique du monde vocal propre au Heavy Metal, il parvient à moduler puissamment, créant une dramaturgie tout à fait compatible avec l'univers fantastique développé dans les paroles et les visuels de l'album. On songe à une rencontre entre Glenn DANZIG et Chris CORNELL, c'est dire le pouvoir évocateur du bonhomme. Accessoirement, les neuf morceaux de l'album sont répartis en deux actes, comme au bon vieux temps du Rock progressif ou du Metal épique. Quand on vous dit que SHADOW WITCH brouille les pistes et n'en fait qu'à sa tête !

Cette propension à développer un univers personnel, combinée à une capacité rare à écrire des titres mémorisables sans être faciles, rend Under The Shadow Of A Witch particulièrement addictif, les écoutes successives permettant de se laisser porter par ce flux impérieux, tout en découvrant les nombreuses subtilités disséminées tout au long de l'album. A mon sens, c'est proprement magistral.

Vidéos de Wolf Among The Sheep cliquez ici et de Witches Of Aendor cliquez ici
Alain
Date de publication : jeudi 16 avril 2020