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16/07/2020
Ashes coalesce
CONVOCATION
 
Quand on a eu la chance de suivre en direct la radicalisation du Metal à partir du mitan des années 80, et donc de découvrir le Thrash, le Doom, le Death, le Black, ainsi que leurs incalculables hybridations, on peut en arriver à être blasé, estimant que tout a déjà été dit, écrit, interprété et que, de toute façon, rien n’équivaudra plus les vibrations inédites propres aux pionniers. C’est en tout cas un risque, de surcroît accru quand on en arrive à des sous-genres ultra-codés comme le Doom Death et le Funeral Doom. Dans les deux cas, on sait qu’il faudra que tout soit très lent, très lourd, très sombre, gigantesque, monolithique et spectral.

Alors, l’idée d’absorber un album se revendiquant du Funeral Doom Death en plein été ne me motivait pas forcément de manière maximaliste ! D’autant plus que j’étais totalement passé à côté de Scars Across, premier album de ce duo finlandais, paru en 2018. Et là, vlan, dès la première écoute, le vétéran se trouve accroché, bluffé, hypnotisé. D’un strict point de vue stylistique, le tandem n’introduit aucune innovation, ne projette pas les deux sous-genres vers de nouvelles perspectives et ne se revendique pas iconoclaste.

Au contraire, tous les ingrédients incontournables répondent présent à l’appel. Songez que l’album ne compte que quatre compositions, dont les durées affichent respectivement huit minutes pour l’instrumental de clôture, Portal Closed, onze minutes pour Misery Form, plus de douze pour Martyrise et treize pour l’imposant The Absence Of Grief. Le tempo demeure invariablement lent, les rythmiques pèsent des tonnes et les riffs possèdent cette approche laconique et dépouillé, ce rendu granuleux et granitique. Bien évidemment, les vocaux adoptent un registre formidablement guttural et caverneux, Ce substrat d’une incroyable hostilité se trouve rehaussé d’arrangements aux mélodies invariablement mélancoliques : guitare solo appliquée, claviers… Les motifs de contrastes ne manquent pas.

Alors, qu’est-ce qui distingue CONVOCATION des autres formations du même acabit ? Il faut en premier lieu saluer la pertinence absolue du son, gigantesque de puissance et de clarté, quoique préservant l’âpreté nécessaire à l’exercice. Ensuite, on ne peut que louer la parfaite maîtrise dans l’interprétation. Après quoi, rendons hommage aux aptitudes du duo en matière de composition et d’arrangements : là où l’on est trop souvent confronté à une muraille lancinante et répétitive, CONVOCATION combine un sens aigu de la réitération obsessionnelle, tant rythmique que mélodique (après tout, l’un des deux membres n’appartient-il pas aux redoutables DARK BUDDHA RISING ?) avec une faculté rare à proposer des accroches redoutables. Enfin, le groupe n’hésite pas à injecter des éléments plus variés qu’à l’accoutumée, comme des variations vocales intensément aigres et haineuses (comprenez typiquement Black Metal) ou des arrangements dignes du psychédélisme et de l’Ambient.

N’en jetons plus : voilà un album certes extrême, mais surtout éminemment maîtrisé et talentueux, le genre qu’il faut acquérir, afin de le ranger aux côtés des THERGOTHON, EVOKEN, SHAPE OF DESPAIR, MORGION, MY DYING BRIDE (des débuts), MOURNFUL CONGREGATION, SKEPTICISM et même ESOTERIC. Bienvenue dans l’élite !

Vidéo de Martyrise : cliquez ici
Alain
Date de publication : jeudi 16 juillet 2020