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30/11/2020
Long day good night
FATES WARNING
 
Long Day Good Night est le treizième album de FATES WARNING, ce qui, en trente-six ans de carrière, représente finalement un rythme tout à fait raisonnable. FATES WARNING n'a jamais commis d'album mauvais, pas même médiocre, et cet opus ne va pas ouvrir le compteur, bien au contraire. Ce Long Day Good Night imposant s'avère même un cru excessivement qualitatif. Je m'explique...

Depuis l'arrivée du chanteur Ray ALDER dans ses rangs en 1988, FATES WARNING a développé une identité unique en matière de Métal progressif, à mille lieux des ambiances emphatiques et des démonstrations techniques qu'affectionnent des formations majeures de ce genre. Privilégiant les ambiances et l'intimité, la discographie du groupe exige l'immersion, bien plus qu'elle ne suscite les conversions immédiates. C'est une fois de plus le cas des treize compositions ici présentes, avec toutefois une caractéristique particulière, à savoir un son et une approche plus énergique, plus percutante qu'à l'accoutumée.

Même si Jim MATTHEOS livre trois compositions longues et complexes (The Way Home, The Destination Onward et The Longest Shadow Of The Day), il a concentré sa prolifique inspiration dans des formats plus ramassés – quatre à cinq minutes -, avec pour corollaire des structures (relativement) plus directes, plus conformes aux schémas classiques introduction, couplets, refrains. Pour prendre quelques exemples, quoi de plus carré et puissant que l'impressionnant Scars ou le véloce Glass Houses ? Quelle délicatesse (dépourvue de toute mièvrerie) dans la ballade Under The Sun et dans la progression en apesanteur de When Snow Falls ! Des capacités aussi flagrantes dans l'approche Métal trapue que dans les enluminures mélodiques, que l'on retrouve en parfaite symbiose au sein d'un Begin Again exemplaire.

Du côté des trois titres plus imposants cités précédemment, il faut souligner que FATES WARNING ne s'égare pas dans une complexité gratuite, pas plus que dans des démonstrations techniques stériles. L'imbrication de séquences successives se justifie par une volonté de développer des ambiances et des climats dramatiques contrastés. C'est ainsi que The Destination Onward débute presque en mode Dark Ambiant, avant de se muer en modèle de Heavy Métal alerte, presque épique.
The Longest Shadow Of The Day se dévoile dans un premier temps sous un jour presque Fusion, assez inhabituel chez ce groupe, avant de partir dans des développements instrumentaux acérés et denses. A 5'30, soudaine accalmie et arrivée du chant pour deux minutes en apesanteur, avant que la rythmique lourde ne s'insinue à nouveau pour permettre un bref solo à la David GILMOUR et un final à la rythmique tendue et "groovy".
De prime abord plus classique, The Way Home débute comme une ballade très douce, avec la voix apaisante de Ray ADLER ; au bout de 2'30, la rythmique se faufile au mode félin, avant que des riffs saccadés ne tentent de recouvrir une guitare solo Bluesy ; quand l'ensemble se lance en mid-tempo, je sens de manière palpable la force et la cohésion de tout ce petit monde, sans que les contrastes s'en trouvent sacrifiés. À noter un solo de guitare incroyable de technique et d'expressivité dans la dernière ligne droite...

Confinement oblige, chaque membre du groupe a dû enregistrer séparément, le guitariste, maître à penser et compositeur Jim MATTHEOS faisant office de producteur-coordinateur. D'où peut-être ces guitares plus âpres, ces lignes de basse énormes et bien présentes de Joey VERA (qui s'est déjà illustré de la sorte sur le dernier ARMORED SAINT), le tout animé par la frappe puissante, précise et très maîtrisée de Bobby JARZOMBEK. Du coup, le contrepoint se fait idéalement avec les arpèges de guitare, les solos lumineux, les arrangements synthétiques discrets, voire avec de vraies instruments à cordes sur Under The Sun. Sur le plan vocal, Ray ALDER semble plus que jamais en pleine maturité, son timbre médium profond et expressif complétant à merveille ses intonations plus hautes, dosées avec pondération.

Si la prise de son semble avoir été moins clinique que sur certains albums précédents, le mixage assuré par Joe BARRESI (une pointure qui a déjà travaillé comme producteur ou mixeur avec QUEENS OF THE STONE AGE, TOOL, AVENGED SEVENFOLD, MONSTER MAGNET, ALICE IN CHAINS ou encore SLIPKNOT) garantit un son simultanément massif et très détaillé, vibrant et puissant, ample quand il le faut, plus intimiste si nécessaire. Du grand art !

Il m'apparaît que pour ce treizième album, les étoiles étaient alignées pour FATES WARNING : compositions travaillées et diversifiées, interprètes en pleine maîtrise technique et capables d'injecter du feeling, son de folie. À mon sens, le groupe tient-là un de ses disques majeurs et le public de Métal progressif (voire de progressif en général) ferait bien de lui accorder une attention toute particulière.

Vidéos de Scars cliquez ici, Begin Again cliquez ici, Now Comes The Rain cliquez ici
Alain
Date de publication : lundi 30 novembre 2020