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17/12/2021
Even if it takes a lifetime
ANATOMY OF HABIT
 
Pour le grand public, le terme de post punk est une notion floue, notamment en France où l’expression cold wave a toujours été beaucoup plus employée pour étiqueter des groupes tels que JOY DIVISION ou DEAD CAN DANCE. Aussi, pour expliquer la démarche d’ANATOMY OF HABIT (Anatomie de l’Habitude), je préfère me centrer sur le nom lui-même qui laisse entrevoir cette volonté de décortiquer le comportement humain. AoH serait donc un groupe à visée humaniste ou existentialiste – un contre-courant au punk qui clame l’absurdité de la vie à coups de No Future !

Attention, bien que le mot « anatomie » nous renvoie à un étiquetage du réel, les paroles ne sont pas du tout figuratives mais utilisées comme autant de petits générateurs de sensations. A l’instar du cyanotype d’Alexandra LERMAN qui illustre la couverture de l’album, les mots concrets des paroles perdent leur sens au profit d’émotions.

Musicalement, ANATOMY OF HABIT est très singulier. Even If It Takes A Lifetime est le troisième LP de ces artistes de Chicago. Les deux premiers ont cette caractéristique de ne comporter que deux morceaux chacun, un par face. Ici, il y en a trois de 7, 14 et 19 minutes. Si dans notre société le temps est perçu quantitativement, il me semble qu’AoH l’appréhende qualitativement, tant durant les sept années qui séparent leurs deux derniers opus, qu’à l’intérieur même du déroulé de chaque composition. Ceci explique sans doute le soin considérable apporté à la production qui nous offre un son ample, puissant et cristallin proche de la perfection. Ceci explique également que la trame de chaque titre soit modelée, parfois sans heurts comme la pâte d’un souffleur de verre, et parfois à coup de massette comme un lingot d’acier rouge dans les forges de Vulcain.
Notez que le titre-même de l’album– Même si cela devait prendre le temps d’une vie – exprime l’exigence d’un rapport au temps différent.

Si vous ne connaissez pas les deux précédents albums, sans doute vous demandez-vous à quelle sauce vous allez être mangés. Eh bien voilà, vous serez enveloppés par des ambiances et atmosphères à couper au couteau sur des rythmes globalement lents, par une guitare heavy capable de plaquer des accords de plomb, par une voix magique, chaude et grave, par une basse qui pulse avec rondeur et une batterie bien lourde réhaussée de la spécialité maison, les percussions métalliques.
Aucune injure ne sera faite à vos oreilles et pourtant il y a un aspect expérimental. Aucun rythme ne sera dépourvu d’émotion et pourtant il y a un aspect industriel. Aucune démonstration de virtuosité et pourtant il y a un aspect heavy prog. Aucune domination du riff et pourtant il y a un aspect doom metal prononcé. ANATOMY OF HABIT rend obsolètes les frontières entre de nombreux genres et crée ainsi un style qui lui appartient.

Si les impressionnistes peignent la lumière qui vibre entre vous et le sujet, ANATOMY OF HABIT peint les sons qui vibrent entre vous et la société observée. C’est la raison pour laquelle je qualifie cet incroyable album de post punk impressionniste.

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ANATOMY OF HABIT est composé de :
- Alex LATUS : guitare ;
- Isidro REYES : percussions métalliques ;
- Skyler ROWE : batterie ;
- Mark SOLOTROFF : chant ;
- Sam WAGSTER : basse, lap steel guitar.

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Prenez le temps de vous laisser envouter par ces extraits de l’album :
- A Pure Breath : Cliquez ici !
- A Marginal World : Cliquez ici !

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Pour en savoir un peu plus, rendez-vous sur :
- la biographie de Mark SOLOTROFF : Cliquez ici !
- l’univers artistique d’Alexandra LERMAN : Cliquez ici !

Pumpkin-T
Date de publication : vendredi 17 décembre 2021