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19/12/2021
Heavier than thou
THE RODS
 
La parution de Let Them Eat Metal en 1984 n’ayant pas produit les effets escomptés (en dépit de sa pochette putassière), le trio THE RODS entra dans une zone d’incertitude, tout d’abord avec le départ de l’excellent bassiste et chanteur Gary BORDONARO, puis avec l’investissement du batteur Carl CANEDY dans une fonction de producteur (ANTHRAX, BLUE CHEER, EXCITER, HELSTAR, OVERKILL, POSSESSED, ROXX GANG…). Aussi, l’année 1986 trouva-t-elle THE RODS à la fois au bord du gouffre et de la régénération. Fort étrangement, l’intégration d’un chanteur à part entière (quelle lucidité après tant d’années de médiocrité en la matière, hormis les trop rares performances au micro du bassiste BORDONARO) ne se fit pas sous pavillon THE RODS. En effet, les trois musiciens du groupe, appuyés par le chanteur Rick CAUDLE, publièrent de manière confidentielle un album intitulé Hollywood.

Dans la foulée, THE RODS éjectèrent CAUDLE, recrutèrent Graig GRUBER, ancien bassiste de ELF, au côté de Ronnie James DIO, et de RAINBOW (juste le temps du premier album en 1975), ainsi que le chanteur israélien Shmoulik AVIGAL, qui avait brillamment commis ses débuts aux Pays-Bas avec les groupes HORIZON, HAMMERHEAD et PICTURE (sur l’excellent album Diamond Dreamer cliquez ici). Hasard ou constat – beaucoup trop tardif ! – d’une certaine radicalisation, Heavier Than Thou annonce fort clairement un ralliement partiel à un Heavy Metal devant beaucoup à JUDAS PRIEST, voire au Metal épique, plutôt qu’à un Hard Rock on ne peut plus basique et ininspiré.

Le premier indice de cette nette réorientation réside dans l’illustration de pochette, extrêmement typée Heavy Metal. Très vite, le propos musical se met au diapason de la pochette et du titre de l’album, avec une intro éponyme, grandiloquente et très réussie., qui débouche sur un Make Me A Believer fonceur et bravache, porté par le coffre ample, énergique et expressif d’AVIGAL. On pense immédiatement à BLACK SABBATH, rajeuni et électrisé par Ronnie James DIO avec Heaven And Hell et Mob Rules. Cette veine est notamment creusée et enrichie par le lent et mélodique Crossfire (à la limite de la ballade Heavy) et par le lent, lourd et poignant Fool For Your Love.

Le reste de l’album comporte certes des titres plus classiquement Hard Rock énervé, typique du répertoire antérieur de THE RODS, mais ici transcendés par le chant habité d’AVIGAL. On en veut pour preuve le rapide She’s In Trouble, particulièrement ravageur, Chains Of Love, tout aussi rapide qu’accrocheur, le mid-tempo Cold sweat And Blood.
Preuve que le fonds référentiel de THE RODS se situait assez loin des années 80, cette reprise du Communication Breakdown, tirée du premier album de LED ZEPPELIN (1969) : vocalement brillante et crédible, plus banale mais efficace sur le plan instrumental.

Au total, même si on comprend bien que les membres fondateurs de THE RODS n’ont ici pas renoncé à leur style primordial basique, ils ont eu l’intelligence de modifier partiellement leur son et leurs arrangements pour accueillir au mieux les performances fantastiques de Shmoulik AVIGAL, grand chanteur, par trop méconnu. Cet album serait sorti entre 1980 et 1982, l’histoire aurait peut-être été plus indulgente pour THE RODS. Hélas, au moment de sa parution en 1986, l’attention était accaparée par le Hard commercial de MÖTLEY CRÜE et consorts d’une part, par les développements fulgurants du Thrash et du Crossover d’autre part. Cette réédition, augmentée de quatre pistes (l’inédit Life On The Edge et trois live, dont un medley LED ZEPPELIN) donne l’occasion de réhabiliter ce disque qui s’impose, à mon avis, comme l’un des meilleurs de THE RODS, au côté de Wild Dogs.

Chronique dédiée à la mémoire de Shmoulik AVIGAL, décédé en 2020, d’une saleté de cancer.

Vidéo de Heavier Than Thou : cliquez ici
Alain
Date de publication : dimanche 19 décembre 2021