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15/02/2022
Take up my bones
ARÐ
 
ARÐ est le projet solo de Mark DEEKS, claviériste au sein de l’excellent groupe de Black Metal WINTERFYLLETH. Avec son premier album, notre solitaire souhaite se consacrer à ses influences Doom. Pour se faire, il combine trois dimensions principales.

La plus frappante est la dimension chorale, très travaillée et maîtrisée, qui apporte aux compositions une majesté, une emphase, ainsi qu’une aura liturgique, frappantes. Le résultat s’avère à la fois émotionnellement bluffant et puissamment évocateur (nous reviendrons plus loin sur l’évocation en question).
Beaucoup plus classique, la dimension Doom implique un tempo général lent, avec des riffs simples, austères et rêches, sans pour autant sonner de manière massive. Les ponctuations de la batterie de l’invité Callum COX (du groupe de Sludge Doom ATAVIST) demeurent volontairement laconiques et dépouillées. Il est certain que cette lenteur, ponctuée de lourdeur, suscite chez l’auditeur des sensations hypnotiques proches de l’accablement.
Enfin, la troisième dimension englobe tous les éléments, instrumentaux comme vocaux, plus subtils, qui fourmillent dans les interstices laissés par ces chœurs magistraux et ces rythmiques décharnées : nappes de synthés, violoncelle, piano, chant masculin en solo calme et sensible, voix murmurante, guitare acoustique, solos de guitare lumineux… Saluons au passage la participation déterminante de Dan CAPP (maître à penser de WOLCENSMEN, passé chez WINTERFYLLETH) qui assure ici les solos de guitare, les parties de guitare acoustique, ainsi que des chœurs.

Si quatre compositions sur six oscillent entre un peu moins de six minutes et moins de sept minutes, il faut relever la présence – loin d’être anecdotique – de deux titres crevant le plafond des neuf minutes : Raise Then The Incorrupt Body et Only Three Shall Know. Soit des durées idéales pour pleinement déployer un dispositif instrumental et vocal se déployant dans toutes ses nuances, multipliant les tableaux évocateurs, incluant de facto une dimension progressive, non ostentatoire, mais garante de développements narratifs palpables.

Reste à évoquer le concept qui sous-tend à la fois le projet et cet album précis. Tout d’abord, le nom du projet est tiré d’un vieux dialecte de Northumbrie, royaume médiéval situé à cheval sur le sud de l’Ecosse et le nord de l’Angleterre ; le terme signifie terre native. Pas étonnant que Mark DEEKS ait choisi pour son premier album un ancrage historique précis, à savoir le périple des ossements de saint Cuthbert, moine et évêque du VIIème siècle ; il fut notamment prieur de l’abbaye de Lindisfarne (tristement célèbre pour avoir été pillée en 793 par les Vikings) et, après sa mort, sa dépouille fit l’objet de tribulations nombreuses et étonnantes. Au vu du sujet retenu, il n’est pas étonnant de constater l’atmosphère solennelle et liturgique qui prévaut sur une bonne part de l’album.

Je conseille vivement à tous les amateurs du BATHORY de Hammerheart ou du EREB ALTOR originel, à toute personne adepte d’un Doom qui ne mise pas uniquement sur la lourdeur et l’épaisseur, mais aussi sur l’âme, la dramaturgie, la puissance évocatrice de l’imaginaire, la profondeur historique ou mythique. En tant qu’auditeur, le plaisir est immense à écouter Take Up My Bones et on peut saluer la plénitude de l’accomplissement solo de Mark DEEDS. Quelle entrée en matière ! Et à quand la suite ?

Vidéos de présentation du projet cliquez ici et de Burden Foretold cliquez ici
Alain
Date de publication : mardi 15 février 2022