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06/10/2022
Flowers & feathers
RED MOURNING
 
Quand on arpente de fort longue date la sphère Metal, au sens très large du terme, on prend acte des mouvements évolutifs successifs. Adepte du Hard & Heavy depuis la fin des 70’s, j’ai accueilli avec vigilance, acuité et gourmandise les vagues successives qui ont impacté les legs primordiaux de LED ZEPPELIN (Hard Blues) et de BLACK SABBATH (Heavy Metal, tour à tour teinté de Jazz Blues et de progressif). Dans cette désormais vaste perspective, les membres de RED MOURNING émargeaient initialement plutôt aux registres du Hardcore et du Post Hardcore. Depuis leurs débuts, les activistes de RED MOURNING se sont pleinement employés à ne jamais renier leurs racines, tout en cheminant obstinément vers d’autres horizons. Pour ma part, je ne prétends pas être un fin connaisseur de la discographie de RED MOURNING, l’ayant suivi de loin en loin, de manière non systématique.

Néanmoins, découvrir RED MOURNING dans la plénitude de son développement artistique, à l’occasion de son cinquième album, permet d’aborder le cas avec un regard totalement neuf. Ce que j’avais eu l’occasion d’écouter auparavant situait RED MOURNING dans une mouvance Post Hardcore talentueuse mais force est d’admettre que je découvre avec Flowers & Feathers un groupe en pleine transition.

Certes, il demeure d’impérieux repères du substrat initial (labelisé au choix Post Hardcore ou Metalcore) : section rythmique qui monte à l’assaut, guitare écorchée vive, vocaux au bord de la rupture. Dans ce registre, il est difficile de prendre RED MOURNING en défaut, tant le groupe s’avère rude à l’impact ! Cela dit, on comprend très vite que le groupe ne saurait se résumer à cet exercice de style, entre brutalité et déchirement. Partant de là, si l’on ne veut pas marquer une cassure avec son propos originel, le défi consiste à préserver la charge émotionnelle brute (se situant franchement du côté difficile, voire problématique, de la psyché humaine). Basé sur de solides bases Hardcore acquises de longue date, ce versant dynamise dangereusement l’album, imposant des pics d’intensité magnifiquement maîtrisés.

Outre un versant instrumental intraitable, appuyé par des vocaux déchirés, RED MOURNING assume ostensiblement une tendance plus subtile, quoique tout aussi poignante. D’ailleurs, le groupe mythique et précurseur en matière de Post Hardcore et de Post Metal, NEUROSIS, a de facto généré des projets solos incroyablement plus dépouillés, mais tout aussi torturés. Pas besoin à ce stade de passer par des projets solos, puisque RED MOURNING parvient sans encombre à injecter dans son Post Hardcore virulent et déchirant de larges doses d’éléments exogènes.

RED MOURNING revendique en effet un penchant évident pour le Blues primordial du Delta du Mississippi. Les points communs entre ces deux univers a priori fort distincts ? La douleur et la souffrance existentielles, l’individu puissamment taraudé par ses tourments psychiques et par l’oppression sociale. Et, pour le coup, RED MOURNING ne fait pas les choses à moitié. Car on ne vous parle pas là de vagues arrangements bluesy ponctuels et exotiques, mais bien d’une écriture et d’une expression profondément ancrées dans le Blues, côtoyant un univers singulièrement plus brutal, néanmoins parfaitement raccord. En effet, que les éléments Blues soient embarqués au cœur de compositions orageuses ou qu’ils occupent la première place (parfois même en mode dépouillé et acoustique, la classe !), ils s’imposent comme des marqueurs identitaires, à parité avec les caractéristiques nettement plus volcaniques décrites ci-avant.

A l’arrivée, nous tenons un album rayonnant de pulsions ravageuses, qu’elles soient électriques ou acoustiques, foncièrement urbaines ou au contraire ancrées dans la vase du bayou. Le chant peut se faire viscéralement colérique ou bien se fondre dans des harmonies vocales splendides. Les guitares peuvent tour à tour produire des riffs rudes à déboiter des mâchoires ou des plages franchement plus aérées et mélodiques. A travers cette ambitieuse architecture sonore, RED MOURNING franchit un cap avec ce cinquième album, voguant, je l’espère, vers des formats toujours plus aventureux.

Vidéos de The Coming Wind : cliquez ici et Flowers & Feathers : cliquez ici
Alain
Date de publication : jeudi 6 octobre 2022