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20/06/2023
The serpent tide
WITCHSKULL
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L’isolement géographique de facto avéré de l’Australie a généré l’apparition et la prolifération d’espèces animales particulièrement spécifiques, sources de curiosité pour le reste du monde. Songez au kangourou, à l’opossum, à l’ornithorynque, au koala, à l’Angryus Andersonus (assimilé à la famille du ROSE TATTOO)… A cette liste baroque (qui comporte aussi d’autres bestiaux australiens, répertoriés par nos soins : MOURNFUL CONGREGATION, MAMMOTH MAMMOTH, HAWKMOTH, SOLEMN CEREMONY, ROTE MARE, LAMASSU, MOTHERSLUG, KING ZOG), nous pouvons sans hésitation aucune inscrire le WITCHSKULL. Répertorié depuis 2014, cet animal tricéphale s’illustre étonnamment dans le domaine musical et, diantre, que sa recette s’avère particulière et attractive !
Si beaucoup des animaux qui peuplent le continent australien demeurent compliqués à placer dans un règne animal mondial, on peut en dire autant du trio WITCHSKULL, implanté du côté de Canberra. Une certitude toutefois : que le groupe évolue dans le vaste spectre du Metal ne saurait souffrir d’aucune contestation. Dans un ordre d’idée analogue, la propension à favoriser les rythmiques épaisses et les tempos lourds renvoie a priori du côté du Doom, du Stoner et du Sludge, trois champs référentiels, loin d’être déplacés dans le cas de figure qui nous occupe. Je peux vous assurer que le guitariste Markus de PASQUALE et son complice bassiste Tony McMAHON ont particulièrement révisé le chapitre. Le premier alterne des riffs gigantesques, susceptibles d’aplatir des montagnes, des riffs tranchants et des solos saturés et crépitants, de l’école Tony IOMMI, options Dave CHANDLER (SAINT VITUS) et Scott Wino WEINRICH (THE OBSESSED, SAINT VITUS et tant d’autres). Le second semble avoir troqué ses cordes de basse contre des câbles ; sinon, comment expliquer les sons incroyablement métalliques et grondants, comme surgis d’une aciérie ?! Les lignes de basse s’avèrent systématiquement massives, bien qu’elles produisent paradoxalement un groove tellurique, lequel entre en contraste fructueux avec le granit des riffs de guitare. A côté de cela, le jeu du batteur Joel GREEN pourrait sembler timoré mais, que nenni ! Bien que ne rejoignant ni la lourdeur, ni l’épaisseur de ses deux confrères, il sait se montrer laconique sur les passages lents ou mid-tempo, mais il parvient sans encombre à s’animer quand il faut négocier un break ou engager une (relative) pointe de vitesse. De l’art d’être complémentaire… Cependant, WITCHSKULL n’est pas seulement une énième formation privilégiant lenteur, lourdeur et épaisseur. Outre les ponctuelles accélérations, on notera quelques inserts de guitare plus limpides, moins irrémédiablement rugueux, mélodiques en somme. Indéniablement, l’idée de ponctuer un ensemble rythmique volontiers dominateur de touches plus contrastées représente indéniablement une piste à approfondir. Mais, ne nous y trompons pas, c’est bien le chant du guitariste Markus de PASQUALE qui injecte irrémédiablement une dimension supplémentaire, on peut même aller jusqu’à parler de supplément d’âme. En effet, dans un contexte instrumental aussi impérieux, on s’attend à subir des vocaux rauques, qu’ils soient éraillés ou caverneux, somatiques ou haineux, cotonneux ou exaltés. Dans le cas présent, la prestation s’avère certes viscérale quant aux émotions transmises, mais finalement relativement complexe. Globalement, le registre demeure clair, ce qui ne veut pas dire tranquille, loin s’en faut. En effet, les crispations, agressives ou dépressives, abondent, contribuant à dramatiser des lignes de chant totalement investies, évoquant tour à tour le Chris CORNELL (SOUNDGARDEN) de Badmotorfinger, le vibrato agressif de Jon OLIVA (songez aux débuts de SAVATAGE), le timbre douloureux du regretté Eric WAGNER (TROUBLE, BLACKFINGER, LID, THE SKULL). Voilà de quoi insuffler au répertoire de WITCHSKULL une animation tragique, particulièrement évocatrice et puissante. Soulignons enfin que la production garantit un rendu organique, tandis que le mixage ménage un équilibre pertinent à tous les éléments décrits précédemment. Seule une pochette trop sage, trop classique, serait susceptible de réfréner injustement l’intérêt des badauds. Cependant, je vous le dis, ne loupez pas cet album, il est riche en émotions et en lourdeur. Vidéo de The Serpent Tide : cliquez ici
Alain
Date de publication : mardi 20 juin 2023 |