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02/08/2023
The morgöth tales
VOÏVOD
 
Les Québécois de VOIVOD furent tour à tour les partisans avant-gardistes d’un Metal Punk chaotique à souhait (l’album séminal War And Pain de 1984), avant d’évoluer en 1986 vers un Thrash Core encore précaire, mais déjà révélateur d’ambitions intenses, avec l’album Rrröööaaarrr. Dès le troisième album, l'impeccable et implacable Killing Technology (1987), le quartette imposait sa vision d’un Metal puissant, taraudé par l’urgence acide du Punk Hardcore, dynamisé par les structures toutes jeunes et franchement frénétiques du Thrash Metal, un parfum passablement Industriel et futuriste (version crasseuse) se frayant un franc chemin.

Cela dit, selon moi (en accord avec moi-même), VOIVOD n’aboutit à son plein accomplissement qu’avec l’album magique (et insurpassable, foin d’objectivité) Dimension Hatröss (mi-1988, je m’en souviens pleinement !). De nos jours, mon vinyle 33 tours, reçu à des fins de promotion par le distributeur français, s’avère d’avantage utile pour créer une ambiance de feu de bois, tellement il craque, après des centaines d’écoutes, toutes conduites par dévotion et conviction !!! J’ai déclaré franchement mon chef d’œuvre absolu du groupe.

Reste à dévoiler le chef d’œuvre du groupe, de l’avis général - rarement contesté par le groupe lui-même, pas plus que par ma modeste personne -, à savoir Nothingface, qui vit le jour fin 1989 chez (selon les territoires) Noise records, Mechanic records et MCA. De fait, cet album s’impose comme le magnum opus du groupe. Ayant éradiqué ses pulsions punkoïdes, ayant pareillement canalisé ses tranchantes scansions rythmiques propres au tout nouveau Thrash Metal, VOIVOD impose magistralement une fusion entre les formes de Metal extrêmes, aux froides et roides tournures industrielles, et le monde du Rock progressif, remontant à la toute fin des années 60. Certes, il y a une reprise du Astronomy Domine, tirée du premier opus de PINK FLOYD et ici littéralement touchée par la grâce, mais aussi des compositions originelles, audacieuses exploratrices, d’une maturité confondante.

A titre personnel, après de tels sommets, je contournai bêtement les deux albums suivants, certes assez différents : Angel Rat (1991) et The Outer Limits (1993). De même, je ne m’intéressai que ponctuellement à la formule trio, avec le bassiste-vocaliste Eric FORREST : albums Negatron (1995) et Phobos (1997). De plus, je ne fus pas pleinement convaincu par le retour au quartette, avec Jason NEWSTED (en partance orageuse de METALLICA) à la basse : Voivod (2003), Katorz (2006) et Infini (2009). Le décès en 2005 de l’incroyable guitariste Piggy fit office de pierre tombale définitive pour ma part…

… Jusqu’à la résurrection, passant notamment par l’embauche du non moins talentueux guitariste Chewy. Avec à la clé des albums inspirés : Target Earth (2013), The Wake (2018, le bassiste Rocky remplaçant l’historique Blacky) et Synchro Anarchy (2022).

Pourquoi ce long rappel biographique ? Pour tenter de jauger à sa juste valeur cette compilation de dix titres, réenregistrés par le line-up actuel, afin de marquer les 40 ans d’activité du groupe. Hé oui, la première démo de VOIVOD (alors comportant majoritairement des reprises), Anachronism, remonte à 1983 !
Premier constat : dix pistes, c’est bien trop peu – voire un brin mesquin ! – pour rendre compte de quatre décennies et de quinze albums (sans compter les formats courts, souvent très intéressants). Surtout que la durée totale ne franchit même pas les cinquante minutes.

Second constat : avec un aussi faible nombre de morceaux, la proposition est-elle représentative ? Non. Ne sont représentés ici que les albums Rrröööaaarrr, Killing Technology, Dimension Hatröss, Nothingface, Angel Rat, The Outer Limits, Phobos, Voivod, à raison d’un malheureux titre pour chacun des disques cités. Même en ajoutant le furieux Condemned To The Gallows (originellement paru sur les démos Anachronism de 1983 et To The Death, ainsi que sur la compilation Metal Massacre V, toutes deux de 1984), une nouvelle composition, Morgöth Tales (efficace condensé de toutes les périodes du groupe) et, sur les éditions CD et numériques, une reprise de Home de PUBLIC IMAGE LIMITED (groupe Post Punk de John LYDON, ex-SEX PISTOLS), le compte n’y est pas. On demeure frustré tant quant à la quantité qu’à la représentativité.

Troisième constat : chaque fan peut discuter à l’infini du choix de LA composition qui représente tel ou tel album. A titre personnel, je suis comblé que Dimension Hatröss soit incarné par Macrosolutions To Megaproblems, dont les rythmiques et le refrain me hantent littéralement plusieurs fois par semaine, et ce depuis 1988 !!! Par contre, si l’excellent Pre-Ignition représente légitimement Nothingface, j’aurais personnellement opté pour The Unknown Knows, autre piste qui me possède littéralement plus que régulièrement. Mais il s’agit-là de préférences purement personnelles, la sélection retenue actant le talent insensé et évolutif de ce satané groupe.

En quatrième point, je place une question : quel est l’intérêt de proposer un réenregistrement, plutôt qu’une compilation classique ? Les cyniques y verront une manière de contourner des problèmes de droits. Pour ma part, j’opte plutôt pour un compromis pertinent entre la volonté, ô combien légitime, d’acter une longévité, et la confiance en soi absolue qui habite la formation actuelle depuis les années 2010. Cette option possède un avantage majeur, à savoir la cohérence donnée à l’interprétation et la mise en son d’un répertoire s’étalant de 1984 à 2023.

A contrario, cette cohérence gomme forcément certaines des caractéristiques des versions originelles. Difficile en effet de ressentir dans les versions 2023 le chaos rageur des premiers temps, le tranchant de la doublette Killing Technology-Dimension Hatröss, la froideur paradoxalement palpitante et hypnotique de Nothingface

Vous l’aurez aisément compris, je ne suis pas pleinement convaincu de la pertinence absolue de la démarche, mais je ne vois pas pour autant en The Morgöth Tales un piège à cons ou une démarche mercantile. En 2023, VOIVOD démontre qu’en pleine période de créativité, il demeure un groupe qui, non seulement ne renie aucunement son passé, mais s’en montre suffisamment fier pour se le réapproprier. Quel groupe ! Et ce n’est pas fini…

PS : reste que la priorité absolue consiste à découvrir Killing Technology, Dimension Hatröss, Nothingface, avec des options pour Angel Rat et The Wake.

Vidéo de Morgöth Tales : cliquez ici
Alain
Date de publication : mercredi 2 août 2023