WYATT E. - Zamāru ultu qereb ziqquratu – part. 1
Style : Dark / Gothic / Doom / Stoner
Support :
MP3
- Année : 2025
Provenance du disque : Reçu du label
5titre(s) - 35minute(s)
Site(s) Internet :
WYATT E. BANDCAMP WYATT E. FACEBOOK
Label(s) :
Heavy Psych Sounds
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(19/20)
Date de publication : 02/02/2025
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Post-doom pour une sensation universelle
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Par son aspect inquiétant et lourd WYATT E peut globalement être rattaché au courant Doom, bien que nous soyons dans une acception très contemporaine du terme. En effet, pour la texture du son, le groupe a recours tant à des bourdons et nappes synthétiques, qu’à des instruments anciens, en plus des armes fondamentales du heavy rock. De plus, l’architecture des morceaux est à mille lieues du doom classique, cherchant plus de lentes montées en puissance hypnotiques, des pics de tension et des effets dramatiques, plutôt que le schéma traditionnel, intro, couplets/refrains, outro. Pour parler par étiquettes, les qualificatifs d’expérimental, drone, ambient et post-metal ne seraient pas déplacés. Ajoutons à cela parfois les gammes et rythmes utilisés dans la musique moyen-orientale et vous imaginez alors la singularité de l’œuvre.
Une autre approche pour cerner l’indicible et si personnelle signature musicale de WYATT E, serait de se demander de quels groupes il se rapprocherait… je n’en vois pas. En revanche, à l’écoute de l’album, j’ai pensé à SHIVA THE DESTRUCTOR pour le groove hypnotique et la pureté du son, MOOZOONSII pour certaines rythmiques et le côté très instrumental de l’album, AL-QASAR ou Peter MURPHY pour l’aspect moyen-oriental d’ambiances très fouillées et à ANATOMY OF HABIT pour la couleur post-metal et contemporaine.
En fouillant les productions du groupe, j’ai très vite senti que la dimension conceptuelle qui sous-tendait la démarche artistique était importante mais je me perdais dans le puzzle d’indices à ma disposition, raison pour laquelle je me suis permis d’interpeler Sébastien VON LANDAU pour tirer les choses au clair. En pleine répétition (j’entendais ses compagnons jouer en arrière-plan), Sébastien a eu la gentillesse de se poser pour répondre à mes questions. L’environnement narratif auquel se réfère WYATT E résonne avec sa propre histoire familiale. Son point de départ fut la naissance de l’histoire juive en Mésopotamie en 585 av. JC lorsque le roi babylonien Nabuchodonosor II détruisit le Temple de Salomon et déporta le peuple israélien vers Babylone. Cet épisode permet de traiter de la perte, de l’exile, de la rencontre des cultures dans un registre historico-fantasmé suffisamment lointain pour que personne ne puisse y être directement connecté. Notons dans les faits la dimension humaniste du projet qui réunit deux chanteuses, Tomer DAMSKY (israélienne), et Nina SAEIDI (d’origine iranienne) qui chantent respectivement en araméen et en akkadien - langues mortes parlées par les protagonistes juifs et babyloniens il y a deux ou trois mille ans.
Avec ce background en tête, l’heure est venue de savourer l’album. Le titre d’ouverture, qaqqari lā târi Part I consiste en une boucle rythmique hypnotique qui progresse jusqu’à l’explosion d’un orage électrique débouchant sur un discours d’un autre monde soutenu de chœurs éthérés. Puis, un nouveau pilonnage stonerisé prend une dimension plus impressionnante encore. Le morceau de plus de dix minutes est totalement envoûtant. La plage 2, kerretu mahrû / About The Culture Of Death rejoint le registre doom écrasant jusqu’à une accélération dramatique peuplée d’accord étranges qui induisent un extraordinaire sentiment de chaos. Superbe instrumental dont la composition originale extraite de la symphonie Mesopotamia revient à Fazil SAY. Im Lelya renoue avec un heavy rock aux accents orientaux. Les deux percussionnistes s’en donnent à cœur joie et quel plaisir de retrouver au premier plan la splendide voix de Tomer DAMSKY, déjà perçue dans les chœurs du premier titre ! Sur le quatrième morceau, le micro est passé à Nina SAEIDI et l’émotion coule à flot. The Diviner’s Prayer To The Gods Of The Night m’embarque de son rythme chaloupé, me transporte par sa mélodie irrésistible. Les moindres détails du titres sont mis en valeurs par des arrangements magiques, des harmonies vocales parfaites faces auxquelles il est impossible de ne pas frissonner. Avec près de 12 minutes, Ahanu Ersetum, est la plus longue pièce de l’album. Mystérieux, répétitif mais sans cesse renouvelé, un brin psychédélique, ce titre est un nouveau tour de force à la beauté inclassable. Vers 7’00, lorsque j’ai l’impression d’avoir fait le tour du morceau, une guitare doom rebat les cartes et lance une excellente jam finale.
Je n’irai pas par quatre chemins, le nouvel album de WYATT E est particulièrement brillant et brasse des émotions universelles - un incontournable de ce début d’année.
Deux bonnes nouvelles pour conclure : d’une part, au-delà du nouvel opus, le label Heavy Psych Sounds réédite les deux premiers albums du groupe (Mount Sinai/Aswan, et Exile to Beyn Neharot), et d’autre part, cela ne vous aura sans doute pas échappé, zamāru ultu qereb ziqquratu Part 1 est la première partie d’un dyptique et nous verrons donc son petit frère arriver… un jour.
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WYATT E. est composé de : - Sébastien VON LANDAU, guitare électrique, basse, synthé, saz et chant ; - Stéphane RONDIA, guitare électrique et acoustique, synthé, chant ; - Gil CHEVIGNÉ, batterie, percussions ; - Jonas SANDERS, batterie, percussions ; - Amalija KOKEZA, violon ; - Tomer DAMSKY, chant ; - Nina SAEIDI, chant ;
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Discographie principale : - 2015: Mount Sinai/Aswan - (EP 2 titres) ; - 2017 : Exile to Beyn Neharot - (LP) ; - 2022 : āl bēlūti dārû - (LP) ; - 2022 : Bowling Saturne O.S.T. - (LP – BO du film éponyme) ; - 2023 : Atonia Live at Roadburn - (collectif - LP live) ; - 2025 : zamāru ultu qereb ziqquratu Part 1 - (LP).
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Extrait de zamāru ultu qereb ziqquratu Part 1 : - The Diviner’s Prayer To The Gods Of The Night : Cliquez ici !
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