Black symphonique impérieux
|
Incroyablement foisonnante, riche et diversifiée, la scène Black Metal française nous révèle en ce début 2025 un quartette francilien, baptisé USQUAM, adepte d’un Black Metal symphonique, ouvert à des influences nombreuses, quoique parfaitement concordantes. Zélateurs du Raw Black Metal, tournez illico les talons, USQUAM s’inscrit sans ambages dans une démarche accessible et ouverte, ambitieuse et attractive, plutôt que misérabiliste et répulsive.
Certes, USQUAM avait commis en 2021 un EP cinq titres de bonne tenue, Reborn. Mais c’est une formation autrement aguerrie, qui plus est renforcée par l’apport d’une vocaliste, Jessy Christ Pinderschlass, qui présente en ce début de second quart de siècle son premier album.
Selon les points de vue, on peut aussi bien partir du principe qu’USQUAM est un groupe de Black Metal ouvert à des influences extérieures au genre, ou un groupe de Metal ayant intégré nombre de dispositifs typiques du Black Metal. Finalement, admettons conjointement que l’on s’en fout royalement, tant ce premier album vaut pour ses vertus typiquement Black Metal que pour ses apports extérieurs.
Permettons-nous d’écarter, respectueusement mais impérativement, les adeptes d’un Black Metal originel, qu’il se labélise True ou Raw. Dans le cas présent, les prises de son s’avèrent dignes du meilleur Heavy Metal européen : même quand c’est tranchant, cela demeure clair et net. Quant au mixage, il vise de manière combinée clarté, puissance et un degré mesuré d’âpreté. Pour ma part, je trouve l’équilibre idéal, évitant les excès superfétatoires du Black symphonique, tout en maintenant en permanence des arrangements de claviers qui confèrent à de très nombreuses séquences une profondeur dramatique crédible et vibrante. Dans ce cas de figure, les claviers jouent un rôle essentiel. Il s’avère cependant qu’ils demeurent strictement proportionnés aux infrastructures rythmiques mises en place par USQUAM, lesquelles reposent tour à tour sur des accélérations ponctuelles, plus souvent sur des ponctuations mid-tempos appuyées, voire sur des séquences ostensiblement lentes, relevant d’une tradition Doom ostensible.
En somme, via ce premier album conceptuel, USQUAM impose avec sa maîtrise et sa brio technique, lesquels n’excluent aucunement la passion dramatique - véhiculée par des vocaux âpres, mais parfaitement modulés, et ces fameux arrangements symphoniques, dûment dosés -, le tout pour aboutir à une succession d’épisodes froids, rapides, roides et haineux, et de de plages largement plus nuancées, réparties entre lourdeurs Doom et plages aux mélodies plus limpides.
Toujours sur le plan instrumental, il faut souligner la versatilité complémentaire des guitares. Certes, elles se mettent au service des fameux riffs en trémolos, si typique du Black Metal, voire d’un brouhaha de riffs sourds. Cependant, elles savent se montrer plus tranchantes et plus épaisses, notamment lors des séquences plus lentes et plus lourdes, porteuses d’ambiances Doom conséquentes et de fort bon aloi. Dans le versant solo, le registre clair, mélodique et mordant rejaillit de la meilleure tradition du Heavy Metal européen, combinant technique et expressivité.
Sur le plan vocal, saluons l’abattage, à la fois vivace et maîtrisé, de la vocaliste Jessy Christ Pinderschlass. Certes, telle une stryge affamée, elle éructe de manière fort expressive, tour à tour à l’agonie ou, tout au contraire, à l’assaut virulent d’une jugulaire quelconque.
D’un pojnt de vue global, on ne peut qu’apprécier à sa juste valeur l’art du contraste entre la verdeur fondamentalement Black Metal des vocaux et de nombreuses rythmiques effrénées et âpres, le tout mené au gré d’architectures relativement complexes, riches en breaks abrupts.
Au total, nous tenons-là un premier album, ambitieux quant à son concept, particulièrement bien équilibré entre l’âpreté rythmique brute du Black Metal, les prétentions symphoniques demeurant au strict service des compositions, la diversité des influences : Black Metal (ponctuellement ‘n’Roll à la SATYRICON), Black Metal symphonique (à la SATYRICON, plutôt qu’à la DIMMU BORGIR), Power Metal (batterie ronflante à base de double grosse caisse, plus guitares mélodiques), Doom Metal (passages lents, rythmiques pesantes).
La diversité des influences et des dispositifs mis en branle témoigne de la maîtrise d’USQUAM, dès son premier jet. Il faut ajouter que la qualité des prises de son et du mixage conduit à conférer le label professionnel à ce qui n’est i fine qu’un premier album. Pour la suite de sa discographie, USQUAM aura à relever le défi d’un Black Metal, certes virulent, mais attendu dans ses relatifs développements symphoniques.
En attendant des suites exigeantes, sachons célébrer un premier opus d’une maturité rare.
Vidéos de Ego Sum (Qui Sum) cliquez ici et de Alter Ego cliquez ici
|
|