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Du pour...et beaucoup de contre...
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Il y a quelques jours, je me plongeais une nouvelle fois avec délectation dans la trilogie du Hobbit de Peter JACKSON, que je n’avais pas regardée depuis un bout de temps déjà. Cette série cinématographique tirée de l’œuvre magistrale de J. R. R. TOLKIEN me plaît énormément car elle a su représenter à la perfection l’un des personnages les plus importants de la mythologie littéraire de l’auteur britannique, à savoir le dragon Smaug. Incarnation reptilienne du Mal recouvrant peu à peu la Terre du Milieu, juste avant la tentative avortée de Sauron de s’emparer d’Erebor et de sa situation orientale, position idéale pour reconquérir le Royaume d’Angmar et, plus tard, l’Eriador. Troisième plus imposante créature ailée cracheuse de feu de la bibliographie complète de Tolkien, juste après Ancalagon le Noir (émissaire de Morgoth à la tête d’une véritable armée volante lors de la guerre de la Grande Colère) et Glaurung (l’aîné des Grands Dragons, victorieux à la bataille de Nírnaeth Arnoediad), Smaug le Doré, de son vrai nom, a laissé une trace durable dans la mémoire des amateurs de fantasy, qui le considèrent presque comme attachant, malgré sa profonde cupidité et sa cruauté sans faille à l’égard des habitants de Dale et des Nains de la Montagne Solitaire, dans un premier temps, puis des citoyens de Lacville, dans un second temps. Cette figure essentielle de la théogonie cosmo-anthropogonique, issue de l’esprit fertile et ingénieux du professeur John Ronald Reuel TOLKIEN, a inspiré nombre de romanciers qui ont porté ce protagoniste écailleux aux nues en l’insérant comme épicentre d’aventures palpitantes, à la manière de celles vécues par Bilbon Sacquet et son neveu Frodon. Ces récits contemporains ne valent, cependant, pas ceux de TOLKIEN et des pamphlétaires avant lui qui ont narré les pérégrinations de héros légendaires tels que Beowulf ou ceux du clan Volsung. Même si les chroniques présentant les méfaits de dragons destructeurs ou leur amitié avec les Hommes ne sont pas toutes mauvaises, loin de là, il est quand même plus excitant et instructif de les lire que de les visionner, car la lecture laisse plus de place à l’imagination et, donc, à la créativité ; à l’évasion pure et simple dans un monde qui nous appartient uniquement à nous et à personne d’autre. Cela dit, l’exception confirmant la règle normative, certains long-métrages audiovisuels arrivent toutefois à émouvoir et à faire voyager. Comme c’est le cas du Hobbit, par exemple, de Cœur de Dragon, Eragon ou, plus récemment, Avatar. A contrario, certaines séries n’arrivent, malheureusement, pas à la cheville narrativement parlant des bouquins de TOLKIEN. Je pense, notamment et exclusivement, au ratage total qu’est le navet télévisuel Game Of Thrones. Son pendant littéraire est plus réussi, même si pour moi les références sexuelles n’ont absolument pas lieu d’être dans des épopées médiévales. Et pourtant, certains n’hésitent pas à s’emparer de cette saga affligeante, pour la retranscrire musicalement. C’est le cas des suédois de BLOODBOUND qui ont débuté leur voyage sonique dans le monde de la sulfureuse Daenerys et de son entourage tout aussi réchauffé du séant en 2014. Franchement, c’est simple, pour moi, cette série ressemble plus à un documentaire sur la vie intime des lapins de Garenne qu’à un brossage fidèle des épopées épiques que l’on retrouve, entre autres, dans le Nibelunglied, le Silmarillion ou les Eddas. Donc, disais-je, les scandinaves se sont jetés tête la première (et encore, « tête », j’en doute fort) dans cette peinture plus pornographique qu’intellectuelle dès 2014. Stormborn nous présentait alors rapidement les personnages et les décors de leur version musicale de la bouse créée par George R. R. MARTIN.
Alors que cet album haut-en-couleurs et plutôt plaisant renouait avec une qualité présente sur certains opus du groupe, BLOODBOUND nous revient aujourd’hui avec une suite, beaucoup moins réjouissante. Et pour cause, l’ensemble des titres reprend totalement, ou presque, le même thème musical. C’est à dire que les mélodies ont été copiées les unes sur les autres et légèrement réarrangées pour donner l’impression que les chansons sont différentes, mais une oreille avertie sait reconnaître lorsqu’il y a un tel tour de passe-passe caractéristique d’une simple panne d’inspiration ou, plus vicieusement, d’un laxisme ambiant qui consiste à se reposer sur ses lauriers quitte à manquer de respect aux fans qui attendent autre chose qu’un simple copier/coller multiple entre les morceaux. A moins que cela ne soit une ligne directrice, je ne comprends pas trop pourquoi la troupe a agi de cette façon...D’autant plus quand elle s’amuse à reprendre également, sans doute inconsciemment – présomption d’innocence oblige (n’est-ce pas Monsieur François F. ?), du HAMMERFALL (Tears Of A Dragonheart) , du STRATOVARIUS (Guardians At Heaven’s Gate) ou du NIGHTWISH (Symphony Satana, Starfall)...
Mais, et je le dis bien clairement, tout n’est pas mauvais, quand même, sur cette galette (bigre, je me boufferais bien des crêpes, moi). Déjà, le thème choisi, les dragons. Et pour moi qui adore ces viles créatures pyromanes, c’est plutôt une bonne chose que de les mettre en lumière pour énoncer leur majesté et leurs combats homériques. Même si, encore une fois, j’écarte le côté salace de GoT qui me dérange pour n’en garder que le meilleur, ici les Viserion, Rhaegal et Drogon. Et puis, ceux des autres maisons. Dont quelques-uns sont représentés sur la superbe illustration de Tom Thiel, qui a pris exemple, j’ai l’impression sur les artworks de RHAPSODY OF FIRE (Legendary Tales, Symphony Of Enchanted Lands, Power Of The Dragonflame, Symphony Of Enchanted Lands II – The Dark Secret). Deuxième point positif, le côté vraiment très épiques des compositions, qui manquent, néanmoins, de personnalité. Enfin, l’interprétation de Patrik et sa voix, tantôt haut perchée, tantôt bien agressive à la Rob HALFORD (King Of Swords) et l’intervention d’Anette OLZON (ex-NIGHTWISH, ex-ALYSON AVENUE), qui apporte une agréable touche de féminité au travers de quelques chœurs bien placés, amenant ainsi plus de profondeur à la musique de BLOODBOUND.
De surcroît, l’apparition de tendances nouvelles chez BLOODBOUND, telles que le très folk Silver Wings ou le « brutal » King Of Swords, continuité vocale de Satanic Panic , voire même War Of Dragons qui, sans pomper sur NIGHTWISH, utilise une structure similaire avec un refrain syncopé sur le début puis assez fluide le reste du temps, rendent cet album plus mainstream.
Cependant, l’omniprésence excessive des claviers et des parties orchestrales rendent ce War Of Dragons quelque peu indigeste. Du moins en ce qui me concerne. Car, à trop vouloir en faire, on omet souvent de travailler sur la compacité des morceaux de sorte à les rendre authentiquement mémorables. Et pour moi, contrairement à Stormborn, War Of Dragons ne contient pas assez de titres consistants. Un peu plus de metal et moins de paillettes m’aurait permis d’apprécier à sa juste valeur le boulot des suédois. Manque de bol pour eux, ce n’est pas le cas et ma perception de ce désormais septième enregistrement studio est assez négative, dans le sens où le groupe n’a pas osé s’affranchir de ses influences et n’a pas osé être plus virulent dans son propos à la manière d’un WISDOM bien huilé. Et moi, j’aime les grosses guitares, les rythmiques qui pèsent un max, les hurlements de vocalistes qui se triturent les entrailles pour sortir des notes suraigües ou des grognements à la Rob HALFORD ou Ralf SCHEEPERS, des chansons à la Painkiller ou Carniwar qui déchirent et te laissent pantois(e) pendant des lustres. Pas les menuets de chevalier en collants rose bonbon qui, avec leur fleuret espèrent libérer les princesses coincées dans des tours surveillées par des dragons avachis sur des tas d’or. Et ce War Of Dragons fait fort dans la catégorie ritournelles teintées de strass...
Fort heureusement, les menues innovations et le talent des musiciens sauvent l’ensemble et me permettent d’espérer un témoignage métallique qualitativement supérieur la prochaine fois. Mais, il est vrai que BLOODBOUND n’est pas une formation qui brille par sa grande régularité au niveau de la teneur de ses rondelles. Peut-être est-ce dû aux changements successifs de line-up ? Peut-être à une trop grande confiance en elle ? La réponse à ma première interrogation est « non », car Patrik est là depuis 2010, soit depuis Unholy Cross et son hymne à la gloire de la cité souterraine des nains située sous les Montagnes de Brume et ses trois pics (Caradhras, Fanuidhol et Celebdil). Donc, serait-ce plutôt la trop grande confiance en elle qui serait à l’origine de la gibbosité persistante de la troupe scandinave ? En effet, car beaucoup d’amateurs du style ont eu tendance à soutenir, parfois abusivement, le sextet, qui ne parvient pas toujours à extirper le meilleur de lui-même et, de ce fait, ne produit pas toujours ne serait-ce que de bons albums. Le power metal étant un genre où beaucoup se la pètent parce-qu’ils savent titiller la double-pédale, sortir des arpèges à tout bout-de-champs ou chanter comme des petits suisses à qui l’ont casse les noix. Toutefois, il est utile de rester terre-à-terre par moments, car même si vous êtes un(e) bon(ne) musicien(ne) et que vous jouez dans un groupe plébiscité par tou(te)s, il y aura forcément quelqu’un de plus doué que vous ou une formation plus branchée qui fera passer votre communauté pour obsolète. BLOODBOUND est coincé dans ce cas de figure. Parce qu’il agit encore en amateur en ne laissant pas derrière lui toutes ses influences encore trop flagrantes. En désirant en mettre plein les mirettes alors que sa fanbase sait déjà à quel point ses membres sont adroits avec leurs instruments. Et si BLOODBOUND pouvait ne pas zieuter sur les copies de ses voisins et savait répondre de lui-même à son interro écrite, ne serait-ce pas mieux ? Bien évidemment que si ! Seulement, certains groupes ne savent pas s’arrêter et mettre trop de tout constamment. Sur War Of Dragons, nous avons une surabondance d’emphase, d’orchestrations, de lignes de claviers, de vocaux hauts perchés, mais pas assez de simplicité, de noirceur, de guitares acérées ou de martialité, comme EDGUY ou WISDOM, pour ne citer qu’eux. En bref, il n’y a pas assez de roubignoles...C’est d’autant plus désolant que le power n’est pas que douceur...Le mot « power » lui-même signifie « puissance ». Accolé au « metal », il devrait résonner plus que cela dans le cœur des musiciens et donner quelque chose de plus viril...et de plus personnel, car ici, tout me rappelle HAMMERFALL, NIGHTWISH ou STRATOVARIUS...Il n’y a pas assez de BLOODBOUND, de véritable BLOODBOUND de Tabula Rasa ou Nosferatu, pour moi les deux meilleurs opus du groupe. Ce qui signifie que le côté heavy metal poignant a été occulté au profit d’un power metal déjà entendu mille fois auparavant et, surtout, sans verve...Si la formation suédoise avait opté pour la sobriété dès le départ, sa musique aurait été plus poignante et cet album plus élégant. Au lieu de cela, ce dernier est pompeux, barbant et visqueux...Quand bien même, celui-ci a été ciselé dans les moindre détails et interprété par des musiciens hors pair, c’est vrai...Néanmoins, War Of Dragons n’apporte pas cette dose de sensations fortes que l’on aurait pu être en droit d’attendre un minimum de la part de la troupe scandinave...et ne m’émeut pas, ne me donne pas la chair de poule comme ont pu le faire Mandrake (EDGUY), Dark Passion Play (NIGHTWISH) ou Glory To The Brave (HAMMERFALL) naguère lors de leurs sorties respectives. Cela est bien dommage. J’espère que le sextet ne s’enorgueillira pas encore plus du succès qui est le sien et qu’il se reprendra en main pour nous offrir un disque plus soft orchestralement parlant et plus digne de porter le patronyme des suédois. En attendant, je vous conseille de porter votre attention sur le dernier CRYSTAL VIPER, Queen Of The Witches, beaucoup plus séduisant et burné que le puîné de BLOODBOUND. A noter, enfin, que les deux troupes que je viens de citer seront en tournée européenne commune d’ici quelques jours et feront escale à Paris le 4 avril prochain au Glazart.
Line-up :
• Patrik JOHANSSON SELLEBY (chant) • Tomas OLSSON (guitares lead) • Henrik OLSSON (guitares rythmiques) • Anders BROMAN (basse) • Fredrik BERGH (claviers, chœurs) • Pelle ÅKERLIND (batterie)
Guests :
• Anette OLZON (chœurs)
Equipe technique :
• Jonas KJELLGREN (mixage, mastering) • Tomas OLSSON (enregistrement chant, guitares, basse) • Fredrik BERGH (enregistrement claviers, programmation) • Pelle ÅKERLIND (enregistrement batterie) • Per RYBERG (enregistrement batterie) • Tom THIEL (artwork)
Tracklist :
1) A New Era Begins 2) Battle In The Sky 3) Tears Of A Dragonheart 4) War Of Dragons 5) Silver Wings 6) Stand And Fight 7) King Of Swords 8) Fallen Heroes 9) Guardians At Heaven’s Gate 10) Symphony Santa 11) Starfall 12) Dragons Are Forever
Durée totale : 46 minutes
Discographie :
• Nosferatu (2005) • Book Of The Dead (2007) • Tabula Rasa (2009) • Unholy Cross (2011) • In The Name Of Metal (2012) • Stormborn (2014) • One Night Of Blood [live] (2016) • War Of Dragons (2017)
Date de sortie :
• Vendredi 24 février 2017
Battle In The Sky : cliquez ici
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