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Le diable est bien bon
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Actifs depuis 2008, les Marseillais de CORPUS DIAVOLIS, adeptes d’un Black Death ravageur et fort classiquement imprégné d’un soufre satanique, n’ont jamais commis de battage particulier, alternant albums à tirages limités et formats courts ou partagés. Avec ce quatrième album, le groupe va - du moins l’espère-t-on - bénéficier de l’aura du label Les Acteurs de l’Ombre afin de franchir un cap en termes de notoriété. Ce ne serait que justice, car, à l’instar de son prédécesseur Atra Lumen (2017), Apocatastase s’impose comme un impressionnant album : ravageur, féroce et surpuissant, cependant plus subtil et complexe qu’il n’y paraît de prime abord.
Foncièrement ancré dans les fondamentaux du Black Metal, CORPUS DIAVOLIS affiche une propension à l’agressivité venimeuse, à l’âpreté haineuse, à la vélocité brutale. Pour autant, soucieux de marquer nettement son territoire sur le plan rythmique, le groupe refuse les facilités des riffs en trémolo répétés ad nauseam et privilégie un impact rythmique franc, percutant, typique du Black Death : ici, on assume complètement les coups portés ! D’autant plus que, si la production ne renie en rien l’aigreur des riffs, ni l’acidité des vocaux, le mixage assure une clarté remarquable dans l’exposition des motifs ; même quand on se situe en plein dans des accélérations paroxystiques et asphyxiantes, l’auditeur profite à la fois d’une impression d’ensemble impérieuse et distingue néanmoins chaque composante du dispositif mis en place. Outre cette mise en son idéale, l’interprétation au taquet se fait vibrante, comme si, surgissant du Pandemonium, le groupe montait pour une ultime et décisive fois à l’assaut d’on ne sait quelle citadelle adverse, avec une question de vie ou de mort à la clé.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser nos propos jusqu’à présent, CORPUS DIAVOLIS ne se caractérise pas seulement par une propension à brutaliser de manière systématique et maîtrisée, en mode Black Death strict et parfait. Les riffs de guitare dissonants sont nombreux et côtoient des parties solo nettement marquées par un relatif classicisme Heavy Metal. De même que des séquences plus lentes et majestueuses, renforcées par des arrangements instrumentaux et vocaux emphatiques, génèrent fort à propos un souffle Doom épique salutaire.
La durée on ne peut plus respectable – entre plus de sept et plus de neuf minutes – de quatre compositions (sur un total de six) permet cette cohabitation fructueuse d’éléments divers issus du Black Metal, du Death Metal, du Post Black, du Doom Metal, tous complémentaires plutôt que concurrents. Deux qualités permettent cet équilibre miraculeux : la qualité intrinsèque des compositions et la maîtrise des arrangements.
Mais, au bout d’un moment, il ne faut plus tenter de résoudre on ne sait quelle équation, car il est dans notre intérêt de succomber à cet alliage idéal auquel est parvenu CORPUS DIAVOLIS avec Apocatastase. L’unique désaccord que j’aurais avec le groupe se trouve dans le choix du titre de l’album. L’apocatastase est une notion métaphysique de retour à un état initial. Or, si les influences savamment gérées par CORPUS DIAVOLIS renvoient bel et bien à des corpus d’inspiration passés et bien balisés, le résultat final ne saurait être réduit à un statu quo ante, jamais souhaitable. Tisonné par le Malin, le savoir-faire développé par CORPUS DIAVOLIS permet l’alignement vertueux du classicisme et de l’hétérodoxie.
Fanatiques de MARDUK, DARK FUNERAL, de BEHEMOTH, mais aussi d’ISIS et KRUX, rejoignez les zélateurs de CORPUS DIAVOLIS, vous vous en trouverez transcendées et laminées à la fois : comment refuser une telle offre ?!
Vidéo live de At The Altar Of Infinite Night : cliquez ici
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