AVATARIUM - Between you, god, the devil and the dead
Style : Dark / Gothic / Doom / Stoner
Support :
MP3
- Année : 2025
Provenance du disque : Reçu du label
8titre(s) - 43minute(s)
Site(s) Internet :
AVATARIUM FACEBOOK
Label(s) :
AFM
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(20/20)
Date de publication : 31/01/2025
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Une pure merveille...
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Un proverbe arabe dit que « celui qui cache son secret est maître de sa route ». Effectivement, l’individu qui donne sa trajectoire à autrui n’aboutira pas forcément au but qu’il s’est fixé, ne sachant pas s’il a ou non des ennemis qui peuvent saper son évolution en lui mettant des bâtons dans les roues. C’est pourquoi il est conseillé de garder son objectif et les étapes nécessaires pour y parvenir dans les tréfonds de sa boîte crânienne, cabales qui seront forcément seules connues de vous-mêmes, de Dieu, le Créateur tout-puissant, du Diable, l’esprit malveillant qui vous veut tout sauf du bien, et des défunts dont vous étiez assez proches pour vous confier quand ils étaient encore de ce monde ou en apposant des fleurs sur leurs tombes. Ou alors, c’est le de cujus qui met ses gnoses sous clé, laissant les remuants dans l’expectative d’une explication viable sur son exode chez Saint Pierre. Le quidam qui garde le silence sur ses intentions personnelles ou professionnelles est celui qui réussit. C’est exactement la façon de procéder des suédois d’AVATARIUM qui n’ont annoncé que tardivement l’enregistrement de leur désormais sixième rejeton phonique, le très justement nommé Between You, God, The Devil And The Dead, sorti ce vendredi.
Contrairement aux précédents albums, Between You, God, The Devil And The Dead se veut plus concis avec des titres qui ne dépassent que très rarement les cinq minutes, ce qui en fait l’opus le plus court de la discographie des scandinaves. De plus, il s’agit également de leur galette la plus mélodique à ce jour. Certains morceaux se parent d’une facette pop pas désagréable tant que cela reste raisonnable. Car AVATARIUM est avant tout un groupe de doom metal. Ponctuellement, nous avons droit à des clins d’œils à une autre formation des contours de la baltique, à savoir THE THIRD AND THE MORTAL, qui vient tout juste de subir une résurrection, notamment dans les ambiances apportées autant par la voix de Jennie-Ann SMITH, qui joue beaucoup sur les modulations, que dans la construction des pistes, parfois très éthérées. Between You, God, The Devil And The Dead s’élance avec Long Black Waves, l’un des premiers singles, une chanson dans la lignée de The January Sea et de son orgue Hammond qui surligne l’ensemble à la façon Jon LORD, bien que nous puissions ressentir une pointe de Moonhorse dans la manière dont Jennie-Ann SMITH interprète cette première cantilène. L’aura de DEEP PURPLE plane sur cette pièce à la fois psychédélique et dynamique qui, comme un Child In Time sous amphétamine, dépote sévère sur les refrains. Comparativement, Jennie-Ann SMITH exécute ses parties comme le faisait Ian GILLAN sur In Rock, la délicatesse succédant à la pugnacité et inversement. Elle étire les notes sur quelques secondes avec des vibratos rocailleux et légers comme son aîné. Ses inflexions sont fluides, maîtrisées à la perfection et survolent avec élégance la démonstration triomphante des musiciens. Se superposant subtilement, l’influence de BLACK SABBATH pare ce Long Black Waves classieux de son ombre, en particulier avec l’éponyme Black Sabbath, qui semble déteindre sur cette nouvelle ritournelle du groupe nord-européen. Cette entrée en matière est clairement réussie, AVATARIUM nous revenant en forme après un Death Where Is Your Sting exagérément différent de ce que à quoi le quintet nous avait naguère habituéEs. Désormais regonflé à bloc, le quartet s’engage sur une voie familière et tellement fascinante à plus d’un égard. I See You Better In The Dark confirme ce sentiment de retour au bercail avec un minois que le combo considère à tort comme très proche d’un pont-neuf de DIO, puisque la vibe est plus ancrée dans les 70’s, à l’instar d’une canzone de BLUES PILLS ou d’un ramage de Janis JOPLIN. Cependant, l’intro et l’outro font effectivement penser à du DIO, période Strange Highways, mais ça s’arrête là. Ce deuxième single a carrément le don de nous renvoyer un demi-siècle en arrière en des temps moins compliqués. Jennie Ann-SMITH et Elin LARSSON seraient-elles vocalement jumelles ? Nous pouvons légitimement nous le demander au vu des similitudes frappantes dans leurs timbres respectifs. Nous sommes dans des tessitures similaires et leurs procédés sont relativement analogues. I See You Better In The Dark, a contrario de son prédécesseur, est sautillant, presque dansant, et engendre une certaine euphorie. Elle dénote totalement avec son devancier, plus vaporeux.
Autre ambiance, autre monde. My Hair Is On Fire (But I’ll Take Your Hand) est sans aucun doute la litanie la plus amère de ce dernier-né d’AVATARIUM. Toute ressemblance dans l’atmosphère avec celle dépeinte sur Hypnotized n’est que fortuite et ne saurait n’être en aucun cas une vérité, puisque dans My Hair Is On Fire (But I’ll Take Your Hand) elle est induite par un piano omniprésent, a contrario d’un Hypnotized bluesy. Cette troisième romance contient aussi des parties de caisse-claire ponctuellement comparables à celles du Boléro de RAVEL, ceci entre plusieurs accélérations et ralentissements judicieux qui jalonnent ce vocero éblouissant. Dans le dernier tiers, la guitare enchanteresse de Marcus JIDELL et la basse pesante de Mats RYDSTRÖM, secondées par la batterie spasmodique de Andreas Habo JOHANSSON, rappellent incontestablement certains chapitres exclusivement instrumentaux de God Is Dead de BLACK SABBATH et Bible Black de HEAVEN AND HELL. Bien qu’elle soit assez lente dans l’ensemble, cette fable n’est pas à proprement parler une power-ballade, ce terme étant plus approprié pour l’églogue Lovers Give A Kingdom To Each Other, qui laisse place au couple piano-guitare électro-acoustique, ce qui en fait une aubade très agréable à écouter, d’autant plus que cette complainte flamboie à chaque fois que Jennie Ann-SMITH ouvre la bouche et que Marcus JIDELL déploie ses doigts de fée sur ses cordes. Cette ritournelle au faciès folk sert de tremplin à Being With The Dead, un péan impétueux qui pioche autant chez RAINBOW (The Temple Of The King pour la douceur du solo sur le prologue, Light In The Black pour la saturation spécifique) que chez BLACK SABBATH (God Is Dead) ou, décidément, chez HEAVEN AND HELL (Fear). Un tambourin et une guitare à la SOUNDGARDEN venant perturber positivement l’ensemble. Cette piste est la plus créative de ce Between You, God, The Devil And The Dead vintage. Une pure merveille dans la tradition AVATARIUM.
Plus hiératique dans sa structure, Until Forever And Again s’engouffre dans les tréfonds d’un doom plus « funéral » et circulaire, car la thématique ici est celle d’une sagesse rétrospective, d’un regard que l’on porte sur sa vie après l’avoir vécue, d’où la redondance dans les phrasés et les paroles. L’esprit de ce morceau est proche de celui de l’occult rock tant dans l’alchimie qui règne entre les ménestrels que dans le sujet abordé qui évoque sans équivoque le leitmotiv de l’Ouroboros ou de la projection du film de sa vie ante-mortem avant un cycle de réincarnation renouvelé. L’usage du B3 renforce le côté malsain et apporte une dimension dramatique à cette antépénultième antienne, à l’image de la Toccata et Fugue en ré mineur de Johann Sebastian BACH que l’on rencontre de manière abusive dans les long-métrages horrifiques des sixties, sans en faire trop et sans user de triples croches. Le pianiste occasionnel Marcus JIDELL préférant se concentrer sur la simplicité et le suivi du mouvement global qui mime les ondulations du torrent de l’existence dans un circuit fermé, qui est un périple éternel, une boucle complète. De la même manière que sur l’instrumental Notes From Underground qui nous amène dans une caravane à travers l’immensité du Sahara, nous égarant dans les dunes interminables du sentier qui mène au kheret-netjer, royaume d’Osiris. Tel un score hollywoodien, ce « tiento » orientalisant est parsemé de percussions arabisantes, de riffs sous-accordés qui se veulent tantôt stoner, tantôt death, avec un ensemble nappé d’orchestrations en arrière-plan qui servent de décorum pour cette mini-fresque cinématographique qui donne la chair de poule. Et c’est avec l’éponyme Between You, God, The Devil And The Dead que s’achève ce chef d’œuvre des nordiques, une élégie de toute beauté qui monte crescendo semblablement à celles d’Adèle (Easy On Me, Someone Like You) avec des stances mélodieuses qui s’articulent autour du Steinway de Marcus JIDELL et de la mélopée toute en retenue de Jennie Ann-SMITH. Cet épilogue s’étire sur près de 300 secondes et ne décolle que timidement pour revenir prestement sur le plancher des vaches qu’il affectionne tant.
Il est indéniable que l’escouade AVATARIUM s’est fait plaisir en mettant en boîte son dernier rejeton studio pour nous offrir cette adorable offrande qui fleure bon la coutume juxtaposée à une volonté de pulvériser les codes en vigueur dans le sous-genre qu’elle pratique. Between You, God, The Devil And The Dead flirte avec plusieurs courants partiellement liés entre eux, voire les dépasse pour chercher plus loin. Cependant, le combo demeure fidèle à ses principes. Du moins, jusqu’à un certain point. Néanmoins, AVATARIUM parvient à satisfaire tous ses fans en conviant toutes les sensibilités mélomanes à se joindre à cette liturgie polymorphe. Tout le monde y trouvera son compte. Autant les doomeux de la vieille école, que les néophytes sludgy. Autant les beatniks bisounours, que les rockeurs révolutionnaires. Autant les proggeux consciencieux, que les poppeux échevelés. Tous les curieux sont invités à embrasser le monde captivant d’AVATARIUM via ce Between You, God, The Devil And The Dead terriblement groovy qui vous fera taper du peton ou secouer la tignasse. Quelques résonances afro-américaines pointent le bout de leur blase, donnant à ce superbe album une coloration plus exotique. La production opulente de Marcus JIDELL est l’une des raisons pour lesquelles Between You, God, The Devil And The Dead subjugue : à la fois pesante et cristalline, elle a un caractère immédiat tout en donnant un sentiment de profondeur et de distance, comme si l’auditeur ne devait jamais conquérir ce trésor d’authenticité pourtant à portée de paluche. Cela peut se révéler frustrant, mais c’est ce qui fait tout le charme de ce groupe à part, dont le credo serait "mysterium in claritate". Telle une Joconde hermétique, le dernier microsillon d’AVATARIUM se veut acroamatique, une véritable quête initiatique comme l’a été Avatarium dans une optique riveraine de Hurricanes And Halos. Très éloignée d’une substance amphigourique, Between You, God, The Devil And The Dead est éthéré et raffiné. Les natifs du Det avlånga landet ont bossé comme des turcs pour sculpter cet obélisque d’une splendeur inégalée jusqu’alors dans le doom metal. Là où les autres formations du style vont privilégier la pesanteur et la mélancolie comme briques essentielles dans l’ossature de leurs blockhaus musicaux, AVATARIUM mise sur la douceur et la pétulance alliées à la gravité sans tomber dans la facilité de la déréliction. Bien que les sujets mis sur la table frôlent parfois le spleen, le bataillon stockholmois élude consciemment le "taedium vitae", pour notre bien, en injectant dans son lyrisme énormément d’espoir et de philosophie existantielle. Alors non, pas de "hakuna matata" dans les écrits de Jennie-Ann SMITH, cela aurait été hors de propos, mais plutôt une douche de positivité et une leçon de féminité sur une planète qui bascule dangereusement dans le masculinisme toxique et une obscurité des cœurs qui s’assèchent. Between You, God, The Devil And The Dead est un phare guidant les âmes perdues dans les tempêtes, joliment illustré par le fin pinceau d’Erik ROVANPERA qui symbolise parfaitement sa quintessence spirituelle.
Line-up :
• Jennie-Ann SMITH (chant) • Marcus JIDELL (guitares) • Mats RYDSTRÖM (basse) • Andreas Habo JOHANSSON (batterie, percussions)
Equipe technique :
• Marcus JIDELL (production, enregistrement, mixage, mastering) • Erik ROVANPERA (artwork, pochette) • Niklas PALMKLINT (photographie)
Studios :
• Enregistré, mixé et masterisé au sein des studios DeepWell Sthlm (Stockholm, Suède) • Enregistré au sein des studios The Cave Drumstudio (Stockholm, Suède)
Crédits :
• Jennie Ann-SMITH (paroles) • Marcus JIDELL (musique)
Tracklist :
1) Long Black Waves 2) I See You Better In The Dark 3) My Hair Is On Fire (But I’ll Take Your Hand) 4) Lovers Give A Kingdom To Each Other 5) Being With The Dead 6) Until Forever And Again 7) Notes From Underground 8) Between You, God, The Devil And The Dead
Durée totale : 43 minutes environ.
Discographie non-exhaustive :
• Avatarium (2013) • The Girl With The Raven Mask (2015) • Hurricanes And Halos (2017) • The Fire I Long For (2019) • Death, Where Is Your Sting (2022) • Between You, God, The Devil And The Dead (2025)
Date de sortie :
• Vendredi 24 janvier 2025
Vidéos :
Between You, God, The Devil And The Dead (Clip Officiel)
Long Black Waves (Clip Officiel)
I See You Better In The Dark (Clip Officiel)
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